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« Vehicle to grid » : l’avenir du réseau électrique ?

source : Youtube Mesta Fusion - Idemia
Renault Z.E - Gamme de véhicules électriques Renault
Renault Z.E - Gamme de véhicules électriques Renault

L’idée du V2G (Vehicle to Grid) est née aux Etats-Unis (université du Delaware, années 2000). Mais son développement s’est accéléré au Japon, pays habitué aux tremblements de terre où les coupures de courant massives sont fréquentes. Plusieurs constructeurs ont pensé dès le milieu des années 2010 à proposer aux possesseurs de véhicules électrifiés la possibilité d’utiliser leurs batteries pour alimenter les bâtiments sans électricité. Elles se comportent alors comme des extensions du réseau de distribution, un réservoir dans lequel le fournisseur d’électricité peut puiser ponctuellement.

En Europe, une problématique de stockage des énergies renouvelables

Côté européen, le cheminement a été différent. Les producteurs d’énergie doivent en effet faire face à deux  défis :

  • Intégrer toujours plus largement les sources d’énergie renouvelable intermittentes comme le solaire ou l’éolien, sans pouvoir en stocker la production à grande échelle. 
  • Garantir la stabilité du réseau de manière à pouvoir répondre de façon instantanée à la demande des consommateurs.

Or, en moyenne, la grande majorité des véhicules reste immobile jusqu’à 22 heures par jour et jusqu’à 6 heures sur un même emplacement réservé – des durées bien supérieures à celles nécessaires pour recharger un véhicule électrique (source EDF). 

La vehicle-to-grid tire parti de cette situation :

1 - pour stocker dans la batterie du véhicule l’énergie produite aux heures où la demande est inférieure à la quantité d’électricité produite

2 - pour réinjecter cette énergie dans le réseau lorsque la demande est plus forte que les quantités produites.

Un gestionnaire de réseau électrique peut donc réguler les flux d’électricité et y intégrer plus facilement l’électricité issue d’énergies renouvelables. Un pic de consommation n’oblige plus à procéder à un délestage. Les micro-perturbations qui peuvent intervenir quand la production bascule d’une source d’énergie vers une autre sont également absorbées.

Le consommateur peut de son côté en espérer une économie au moment de la recharge  de sa batterie (pendant les heures creuses), voire une rémunération de sa contribution aux capacités de stockage du réseau global.

Plusieurs projets en cours

Plusieurs constructeurs japonais (Mitsubishi, Nissan, etc.) et européens (Renault, Peugeot, Fiat, etc.) ont lancé des expérimentations portant à la fois sur la technologie et le modèle économique à déployer. Sont concernés des modèles électriques à batterie, les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) ou les véhicules électriques à hydrogène.  

L’objectif est de développer un véritable réseau intelligent ou « smart grid » (*), dans lequel les flux sont optimisés en permanence grâce aux mesures réalisées au niveau de chacun des maillons de la chaîne, batteries des véhicules inclus. Au sein de l’Union Européenne, 18 projets pilotes en cours ont été recensés par le consortium SEEV4-City

Par exemple, à Amsterdam, une expérimentation est menée avec une dizaine de participants utilisant des Nissan Leaf et des Mitsubishi Outlander sur des bornes NewMotion équipées de la technologie Vehicle-to-Grid et permettant de réinjecter de l’énergie sur le réseau de leur domicile ou de la ville. 

En France, le pilote GridMotion a été lancé en 2017. Il vise à mesurer les économies que des utilisateurs pourraient réaliser en utilisant un système V2G. Une flotte de quinze Peugeot iOn et Citroën C-Zero utilisées par des entreprises et d’une cinquantaine de véhicules utilisés par des particuliers (Peugeot iOn, Partner Electric, Citroën C-Zero et Berlingo) est ainsi suivie.

Enfin, Renault a commencé à tester le V2G au Portugal et aux Pays-Bas sur une vingtaine de Renault Zoé.

Un cycle de vie différent pour les batteries ?

Les tests concernent aussi la durée de vie des batteries dont l’utilisation diffère sensiblement de ce qui se pratique actuellement avec les véhicules électrifiés classiques. En effet, non seulement leurs chargeurs sont sollicités de façon bidirectionnelle par le réseau mais de plus, la fréquence du cycle charge/décharge est beaucoup plus élevée. On pourrait craindre du coup une altération prématurée de leurs capacités mais les fabricants de batteries pensent au contraire qu’un pilotage fin de ces cycles permettra d’améliorer leur longévité.

L’accueil des utilisateurs en question

En septembre dernier, EDF a créé Dreev en partenariat avec l’entreprise américaine Nuvve. L’objectif de cette filiale est notamment de commercialiser des contrats vehicle-to-grid auprès des propriétaires de voitures électriques. 

Mais seront-ils convaincus ? Pour optimiser un tel réseau de stockage, il faut que les utilisateurs acceptent de renseigner leur gestionnaire sur la disponibilité de leur voiture : par exemple, en leur communiquant une heure prévue de départ du domicile ou une heure d’arrivée au bureau. La question de la protection de la vie privée pourrait resurgir à cette occasion. Les promoteurs du V2G vont devoir trouver des solutions pour adapter les réglages aux préférences des clients, leur permettre également d’interrompre inopinément une charge ou une décharge s’ils ont un besoin urgent de leur véhicule. Et bien sûr de leur proposer une rémunération suffisante pour accepter ces contraintes.

Une opportunité pour les entreprises

Finalement, l’utilisation sur les sites d’entreprise est plus facilement envisageable. Il suffit en effet que les véhicules stationnés et immobiles sur le parking stockent de l’énergie (par exemple fournie par des panneaux solaires sur le toit du bâtiment), puis la mettent à disposition des occupants des bureaux. L’entreprise réaliserait ainsi des économies substantielles sur sa facture énergétique.

(*) Le concept de smart grid existe depuis la fin des années 1990 dans le secteur informatique : le déploiement du réseau internet a donné en effet l’idée à des chercheurs de connecter entre eux des calculateurs distants sur plusieurs continents, pour se doter ainsi d’une puissance de calcul démultipliée puisque les ordinateurs d’habitude éteints la nuit pouvaient être utilisés par un process déclenchés à l’autre bout de la Terre.